Festival international du
court métrage au saguenay

La directrice de notre volet jeunesse, Noémie Bouchard ainsi que notre directrice générale et artistique Justine Valtier se sont rendues au  Festival International de cinéma de Rio de Janeiro qui a eu lieu du 5 au 15 octobre dernier. Noémie souhaitait vous partager son expérience, voici donc un extrait de son carnet de voyage:

 

J’ai rencontré Bete Bullara et Felicia Krumholz au Festival de Rio, le Festival International de cinéma de Rio de Janeiro. Nous y avons été invitées, Justine et moi, grâce à une subvention du Ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec, dans le but d’en apprendre plus sur les manières de faire en terme d’éducation cinématographique au Brésil. 


J’imagine que quiconque les rencontre a la même réaction que nous: à la fois charmé, impressionné, et peut-être même un peu incrédule devant le niveau de passion et d’énergie que dégagent ces deux femmes de 70 ans. Ensemble, elles portent sur leurs épaules le volet jeunesse (Programa Geração) du Festival de Rio depuis plus de 25 ans. Elles coordonnent et programment des ateliers de cinéma, des projections extérieures dans les favelas, des projections spéciales dans des écoles pour jeunes ayant des déficiences visuelles, des projections familiales et plus encore. J’ai l’impression d’avoir vu qu’une toute petite partie de leurs réalisations. Ce qu’elles souhaitaient surtout me partager, c’est le Video Forum, leurs projections de films réalisés par des jeunes, pour des jeunes.


C’est donc avec curiosité que je me suis présentée le mardi 10 octobre au matin à une séance de projection du Video Forum. J’étais loin de me douter de ce qui m'attendait ! 


Environ 130 jeunes entre 16 et 17 ans y sont attendu.e.s. En patientant avant le début de la séance, les jeunes se prennent en photo et admirent l’architecture magnifique de l’endroit où nous nous trouvons. On sent que c’est une sortie spéciale pour elles et eux, la fébrilité est bien présente dans l’air. Un groupe est même venu depuis Contagem, une ville située à environ 8h de route de Rio.


Lorsque la projection débute enfin, on nous explique le déroulement de l’activité: les films seront présentés par blocs de trois. Avant la présentation des films, les étudiant.e.s les ayant réalisé.e.s sont invité.e.s à se présenter, puis il y aura période de questions, et ainsi de suite. Attention, les adultes ont le droit de poser des questions, mais pas d’y répondre ! La parole est aux jeunes et c’est leur opinion, leur expérience, que nous souhaitons mettre en valeur ici. Les jeunes s’applaudissent, sont fière.s, se félicitent, déjà, on sent que ce sera beau à voir. 


Ce que je ne sais pas, c’est qu’en coulisses, Bete, Felicia et leur équipe s’affairent à régler un problème de taille: deux autres groupes de jeunes sont sur le point d’arriver, et la salle du centre culturel où nous sommes est déjà pleine à craquer. Pas question de leur dire de retourner sur leur pas, c’est une sortie culturelle marquante et importante; elle doit se faire à tout prix! Elles multiplient les appels pour avoir la permission de rajouter des chaises dans la salle, de placer des jeunes debout, assis dans les escaliers, peu importe, il faut trouver une solution! Rien à faire, elles se heurtent à des murs et n’arrivent pas à obtenir ce qu’elles veulent. Il faut dire que le centre culturel appartient au Ministère de la Justice, qui n’est pas connu pour sa flexibilité. Qu’à cela ne tienne, Felicia a déjà travaillé pour le Cinéma Odéon situé de l’autre côté de la rue, et elle fait le pari qu’elle réussira à les convaincre de nous y accueillir! 


Les lumières s’allument donc juste avant le début d’un court métrage. Je ne comprends pas trop ce qui se passe, Felicia est sur la scène, a les bras dans les airs, dit quelques mots puis les jeunes explosent de joie. On m’explique qu’elle vient d’annoncer que leur programme est trop populaire et que nous devons tous traverser de l’autre côté de la rue, dans le « vrai » cinéma, celui où a lieu toutes les premières de film. Connaissant le travail nécessaire à la planification d’une projection de ce genre, je suis un peu confuse. Comment est-ce possible? Les jeunes autour de moi n’ont visiblement pas les mêmes interrogations: ils et elles sont surexcité.e.s. 


Au milieu du chaos et du déplacement de ce qui est maintenant une petite foule d’adolescent.e.s,  je vois toute l’équipe de Programa Geração s’affairer à contourner les milles et uns obstacles qui se dressent devant eux. Bete et Felicia n’acceptent aucun refus. Il y a un test de lumière en cours? Qu’on l’arrête! Un test de projection pour un film qui passe au Festival cet après-midi? Qu’on l’arrête! Il faut contourner le système de projection DCP pour projeter sur un portable? On le fait! J’avoue être à la fois dépassée et impressionnée par leur détermination. Mais qu’est-ce qui les anime à ce point?


C’est quelques minutes plus tard que je comprends. Alors que nous reprenons la projection, désormais installé.e.s dans un cinéma grandiose, la fierté des jeunes semble multipliée. Ils et elles ont travaillé fort sur leurs films, qui s’inspirent souvent de sujets d’actualité. On y parle de racisme, d’homophobie, de transphobie. Après son film, une jeune femme nous explique qu’elle a souhaité y illustrer les défis quotidiens qu’elle vit en tant que personne trans et noire. Que l'école est le seul refuge où elle se sent aimée et acceptée telle qu’elle est, et qu’elle n’aurait jamais pu faire ce film sans ses ami.e.s. Ses collègues et co-scénaristes la serrent dans leur bras, c’est vraiment magnifique à voir. 


Un autre jeune prend la parole et livre un puissant message sur l’importance d’être fier de soi et de son identité queer, de son droit d’être heureux, malgré toutes les violences qu’il a pu subir. Je ne comprend pas tout, mais son témoignage semble très personnel. La salle est suspendue à ses lèvres et même mon interprète cesse de me parler pour mieux l’écouter. D’un même mouvement, tout le public se lève pour l’ovationer. Ce qui se passe dans cette salle est fort. Cette jeunesse a vraiment des choses à dire. 


***


C’est près de quatre heures après le début de l’activité que j’ai finalement retrouvé une Bete et une Felicia épuisées. Elles m’assurent que jamais dans l’histoire du Video Forum, une projection n’a ressemblé à celle-là. Felicia me dit, avec un clin d'œil:  «Je te l’avais dit, je suis un peu sorcière! Il n’était pas question que nous laissions tomber ces jeunes». Je regarde les deux femmes et je me dis qu’effectivement, pour avoir réussi ce tour de force, il y a dû avoir de la sorcellerie d’impliquée. Mais je me dis surtout que, peu importe quelle est cette force qui les anime, elle est immensément nécessaire. Ce dont j’ai été témoin lors de cette projection valait tous les tours de magie. 

 

-Noémie 

 

 

Photo: Noémie Bouchard (Directrice du volet jeunesse) et Justine Valtier (Directrice Générale) entourant Bete Bullara (co-directrice du volet jeunesse du Festival de Rio)